Alain Delon et l’Italie, c’est une longue histoire, démarrée très tôt dans sa carrière, dès 1960 et Rocco et ses frères de Luchino Visconti. Suivront Quelle joie de vivre de René Clément en 1961, L’éclipse de Michelangelo Antonioni en 1962 et bien sûr Le guépard de Visconti toujours, en 1963. Néanmoins, il faut ensuite attendre la première moitié des années 70 pour le voir collaborer de nouveau avec des réalisateurs de la péninsule mais avec une réussite plus relative. Si Le professeur qu’il tourne sous la direction de Valerio Zurlini en 1972 figure parmi ses meilleurs films de cette décennie, tel n’est le cas ni de Big Guns ni de Zorro dont il confie les rênes à Duccio Tessari, l’un de ces nombreux commis du cinéma de genre transalpin, capable d’emballer un péplum (Les titans), un western (Un pistolet pour Ringo), un poliziottesco (La mort remonte à hier soir) ou un thriller (L’homme sans mémoire) avec la même aisance, modeste et efficace. Cet incontestable savoir-faire assure aux Grands fusils sa solide tenue, qui fait de lui un polar à l’italienne très recommandable, riche en douilles et en bagnoles qui se poursuivent, mais ne suffit pas à l’élever au-dessus d’une vigoureuse série B. Il ne saurait évidemment pas soutenir la comparaison avec Le parrain, dont l’incroyable succès l’a sans doute inspiré (comme bien d’autres à l’époque, alors même que les Italiens n’ont pourtant pas attendu Coppola pour évoquer l’organisation, témoin La mafia fait la loi de Damiano Damiani en 1968).
De même, de part le personnage de tueur froid et taiseux qu’endosse Delon, Big Guns noue un lien évident avec Le samouraï mais là encore la comparaison avec le chef-d'œuvre de Melville ne joue pas tellement en sa faveur. Certes lui aussi solitaire et rusé, Tony Arzenta n’est pas Jeff Costello avec lequel il ne partage ni la triste morgue ni la fantomatique abstraction. Ce rôle de gâchette qui défie la Mafia est plus banal, à l’image du film en lui-même dont seule la violence (particulièrement contre les femmes, qui prennent cher, comme la pauvre Carla Gravina) surprend un peu. Trop bon pour ce type de production, on se demande finalement ce que Delon (qui a refusé Le parrain !) est venu faire là. Il impose toutefois au film son autorité glaciale avec cette épure qui lui permet d’un simple regard de traduire tout l’effroi et la colère ressentis. Sans lui, Big Guns serait sans doute tombé dans un oubli que ne peut lui éviter par ailleurs le reste d’une distribution, prometteuse mais trop sous-employée (Richard Conte et Anton Diffring font le service minimum, Roger Hanin est mauvais comme toujours tandis que Rosalba Neri et Erika Blanc ne font malheureusement que passer). Mais le charisme de Delon, un Tessari qui, multipliant grands angles et plongées, fait parfois preuve d’une virtuosité insoupçonnée ainsi qu’une photographie grisâtre qui lui confère une atmosphère brumeuse charpentent néanmoins avantageusement ce Big Guns dont la brutale efficacité le place en haut du panier du polar italien. (20.08.2024) ⍖⍖⍖
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