Robert S. Baker et Monty Berman - Jack l'Eventreur (1959)


Si on a souvent tendance à réduire le fantastique britannique des années 50/60 à la Hammer, d’autres petites firmes et producteurs n’ont pas manqué de s’engouffrer dans la brèche ouverte par les succès des Quatermass (Le monstre / La marque) et de la paire Frankenstein s’est échappé / Le cauchemar de Dracula.  C’est le cas notamment de Robert S. Baker et Monty Berman qui, avant de créer les séries Le saint puis Amicalement vôtre (pour le premier), produiront et/ou réaliseront  quelques bobines fantastiques ou SF de très bonne facture : Le sang du vampire (1958) de Henry Cass, The Trollenberg Terror (1959) de Quentin Lawrence, L’impasse aux violences (1960) de John Gilling, Les chevaliers du démon (1961) qu’ils signent à quatre mains, tout comme Jack l’éventreur.  En 1959, l’histoire du tueur de Whitechapel a déjà inspiré plusieurs films, tels que The Lodger (1926) d’Alfred Hitchcock, le Jack l’éventreur (1943) de John Brahm ou Man In The Attic (1953) de Hugo Fregonese. Bien d’autres suivront encore, parmi lesquels Meurtre par décret (1979) de Bob Clark ou le téléfilm éponyme de David Wickles en 1988. S’elle jouit d’une réputation flatteuse, la version de Baker et Berman n’est pourtant pas la plus enthousiasmante du lot. La faute à une intrigue policière conduite plutôt mollement, que ponctuent par ailleurs de manière répétitive les crimes successifs du mystérieux criminel. Le film souffre aussi de l’interprétation du gommeux Lee Patterson dont on se demande ce qu’il vient faire en haut de l’affiche. 


Mais Jack The Ripper n’est pas sans qualités non plus, réussissant mieux dans sa peinture sordide de Whitechapel dont il saisit bien la décrépitude populeuse (la foule avinée prête à lyncher un innocent au physique difforme) que dans le suspense sinon l’horreur. En cela, le choix de recourir au noir et blanc plutôt qu’à la couleur (peut-être pour des raisons financières) est intéressant car, par son austérité granuleuse, il participe de cette atmosphère crasseuse qui, associé à des décors remplis d’ombres menaçantes, le rend plus proche du fantastique des années 30 que des pellicules de la Hammer qui misaient sur la force visuelle d’une palette flamboyante. Ainsi, en dépit des visages familiers de John Le Mesurier et Ewen Solon vus notamment dans Le chien des Baskerville, Jack l’éventreur s’éloigne judicieusement de l’esthétique chamarrée des œuvres emblématiques du studio de Michael Carreras. L’horreur ne naît pas du sang écarlate qui éclabousse l’écran mais d’une ambiance âpre. Enfin, concernant l’identité du tueur en série qui encore aujourd’hui reste sujette à bien des théories, le scénario de Jimmy Sangster (encore un fidèle de la Hammer) évoque la piste du médecin qu’il imagine toutefois motivé par la vengeance et non par de sanglantes pulsions. Le film de Baker et Berman n’est donc pas la meilleure version de Jack l’éventreur mais séduit néanmoins par son écrin crapoteux et sa description alors plutôt réaliste du Londres miséreux de la fin du XIXè siècle. (06.09.2024) ⍖⍖


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