Jesús Franco - Les nuits de Dracula (1970)


A la fin des années 60, et alors qu’il n’avait auparavant endossé la cape du vampire avec lequel il se confondra pour le restant de sa carrière qu’à deux reprises, sous la houlette de Terence Fisher (Le matriciel Cauchemar de Dracula en 1958 puis Dracula, prince des ténèbres en 1965),  Christopher Lee se voit enchaîner les Dracula pour la Hammer (Dracula et les femmes, Une messe pour Dracula, Les cicatrices de Dracula…). Pourtant, ces films qu’il juge de plus en plus éloignés du roman originel, le mécontentent. C’est dans ce contexte qu’il fait part à Jess Franco, avec lequel il vient de tourner en l’espace de quelques mois à peine, Le sang de Fu Manchu, Le château de Fu Manchu et Le trône de feu, son envie de jouer dans une nouvelle adaptation qui serait un retour à la source du livre et où son personnage correspondrait davantage à celui imaginé par Bram Stoker. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Lucky Luke de la caméra qui chie de la pellicule plus vite que son ombre, Franco monte le projet avec son fidèle producteur Harry Alan Towers et du fric anglais, allemand, espagnol, italien et même du Liechtenstein ! Malgré de louables intentions, une certaine ampleur (qui ne l’exonère cependant pas d’effets spéciaux ridicules comme ces chauves-souris en plastique) et un casting dont les noms évoquent l’âge d’or du cinéaste (Paul Müller, Maria Rohm et sa défunte muse Soledad Miranda), Les nuits de Dracula ne se solde pas moins par une amère déception dans l’œuvre de Christopher Lee comme dans celle de Franco. Le visage barré d’une épaisse moustache qui vide le rôle de sa séduction ténébreuse, le comédien fait du funeste comte une figure plus surnaturelle que maléfique et encore moins passionnel, loin du vampire au magnétisme sexuel des films de la Hammer. Contre toute attente, il apparaît même peu concerné, éclipsé par Herbert Lom qui campe un Van Helsing convaincant quoique différent de Peter Cushing.  


Quant à Jess Franco, il échoue finalement, en dépit de ces zooms et gros plans dont il abuse comme toujours trop souvent, à imprimer sa patte à ce Dracula auquel on préfère ses films plus personnels et moins sages tels que Venus In Furs, Eugénie de Sade ou Vampyros Lesbos qu’il réalise à la même époque. Car Nachts, Wenn Dracula Erwacht étonne en définitive par sa timidité, Franco ne suçant jamais le potentiel érotique de comédiennes pourtant d’ordinaire peu farouches ni d’un récit dont il restaure des épisodes délaissés par les autres adaptations pourtant propices à assouvir son goût pour le sexe (cf. les trois femmes vampires par exemple). La volonté de condenser les nombreuses intrigues du roman en à peine 90 minutes lui dicte en outre un film au rythme déséquilibré, lent dans sa première partie, trop rapide dans la seconde. Du coup, la psychologie des protagonistes est sacrifiée, de même que la relation équivoque entre Dracula et Mina tandis que, à contrario, le scénario s’éternise sur Renfield dont les scènes n’apportent rien si ce n’est exposer la gueule de Klaus Kinski qui, plus sobre qu’à l’accoutumée, distille néanmoins une présence malsaine. Le cauchemar de Dracula avait pourtant réussi à résumer le roman en une durée plus courte encore (82 minutes) sans en perdre l’essence mais Jess Franco, cinéaste au demeurant fascinant, n’est pas Terence Fisher... Son travail n’est toutefois pas sans qualités. Sa mise en scène se révèle étonnamment soignée et certains plans, portés par de beaux décors gothiques, répandent un suaire envoûtant. Mais on attendait mieux d’un Dracula signé Jess Franco que ces nuits finalement bien prudes... (13.11.2024) ⍖⍖


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