Contrairement à un Mario Bava ou un Lucio Fulci, Mario Caiano fait partie de ces réalisateurs italiens qui n’ont suscité aucune chapelle, aucun culte, artisan chevronné davantage qu’auteur, qui a touché à tous les genres au gré des modes, troquant le péplum (Ulysse contre Hercule, Maciste et les 100 gladiateurs) pour le western dont il fut d’ailleurs en Europe un des précurseurs (Duel au Texas, La griffe du coyote), l’europsy (Ombres sur le Liban) pour le giallo (L’oeil du labyrinthe), le polar urbain riche en douilles (Milano Violenta) pour la nazisploitation (Fräunlein SS), avec une égale efficacité et une absence de prétention qui le rendent éminemment sympathique. Durant la première moitié des années 60, le temps est à l’horreur gothique dans le sillage du Masque du démon (1960) de Bava et du Moulin des supplices (1960) de Giorgio Ferroni qui rencontrent un certain succès dans les salles de quartier. Mario Caiano n’échappe pas à ce sous-genre inspiré par l’épouvante anglaise (La Hammer) ou américaine (le cycle Edgar Poe de Roger Corman) auquel il offre avec Les amants d’outre-tombe un de ses rejetons les plus célèbres aux côtés du diptyque de Riccardo Freda L’effroyable secret du Dr. Hitchcock (1962) et Le spectre du professeur Hitchcock (1963), La vierge de Nuremberg (1963) et La sorcière sanglante (1964) de Antonio Margheriti. En élève appliqué, il en distille tous les invariants : demeure inquiétante, ambiance morbide, sévices en tous genres, amants maudits et bien sûr Barbara Steele, l’indissociable égérie du fantastique italien.
Dans le double rôle de Muriel (la brune adultère dont l’intimité brûle d’un ardent désir) et de Jenny (la blonde prude et fragile), la comédienne impose son charisme unique qui suinte une sensualité trouble, réussissant même à transformer des gémissements possédés en râles de jouissance. Quasiment de tous les plans, le film lui doit évidemment beaucoup, lequel possède toutefois d’autres qualités à son actif dont la photographie en noir et blanc de Enzo Barboni, tout en contraste expressionniste, la présence menaçante de Paul Müller en aristocrate pervers et la musique baroque de Ennio Morricone qui participe de son atmosphère ténébreuse, ne sont pas les moindres. En revanche, comme souvent dans le genre, les seconds rôles masculins pâtissent du jeu limité de bellâtres inexpressifs (Lawrence Clift) cependant que le récit peine à maintenir tension et intérêt tout du long. Il est dommage aussi que l’intrigue secondaire, brodée autour de la relation équivoque entre le maître des lieux et sa servante Solange (Helga Liné) en quête d’une jeunesse éternelle, ne soit pas plus développée. Du coup, elle semble superflue et ne pas se justifier. Sans se hisser tout à fait au même niveau que les films de Bava ou Freda, Les amants d’outre-tombe n’en livre pas moins dans sa première demi-heure une superbe démonstration de sadisme pelliculé. Feignant de quitter sa demeure, aux abords de laquelle il attend le signal de sa servante, le professeur Arrowsmith surprend son épouse et le jardinier en train de s’ébattre dans la serre. Enchaînés dans une crypte, Muriel et son amant sont ensuite torturés, non sans une imagination cruelle et sadomasochiste, par leur bourreau qui trouve dans les supplices qu’il leur inflige une évidente délectation. Le film culmine sans ce mélange d’horreur alors rarement atteinte à l’écran et d’érotisme exalté. (12.11.2024) ⍖⍖
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