Threshold - Dead Reckoning (2007)

Il existe une vraie malédiction autour du metal progressif car en effet bien peu de groupes, hormis sa locomotive Dream Theater, parviennent à avoir un succès suffisant pour permettre à leurs membres de vivre de leur musique. Même Fates Warning, qui était déjà là quand le Théâtre du rêve jouait encore dans le bac à sable de la maternelle, reste encore aujourd’hui très mésestimé. Pourtant, les artistes talentueux ne manquent au sein de cette confrérie, à commencer par les Anglais de Threshold, formation de la même génération que la bande de Mike Portnoy. Depuis l’arrivée à la fin des années 90 de Mac derrière le micro, le groupe suit une pente ascendante que la signature sur le puissant Nuclear Blast devrait encore un peu plus renforcer. Son nouvel opus, Dead Reckoning, le premier à être publié dans le giron du label allemand, pourrait bien enfin lui permettre de décroche la timbale. Il le mérite. Défendu par des musiciens tous excellents, dont le redoutable guitariste Karl Groom, également son principal compositeur, Threshold y déroule un metal progressif puissant et couillu qui n’oublie néanmoins jamais d’être sophistiqué et racé, mélodique et technique. Comme de bien entendu, ça joue très bien et c’est à un véritable déluge de notes que les Anglais nous conviennent. Mais contrairement à Dream Theater (que je respecte toutefois beaucoup), ils savent, eux, écrire de vraies chansons, presque des tubes en puissance, à l’image des deux missiles que mon chouchou Dan Swanö vient enténébrer de sa voix d’outre-tombe profonde : « Slipstream » tout d’abord, puis « Elusive », petites merveilles d’écriture ciselées avec maestria et finesse. 

Et comme ils ne sont pas anglais pour rien, ces musiciens savent draper leur art d’une épaisseur certaine cependant qu’un voile émotionnel le recouvre grâce au chant habité de Mac (« Hollow ») et aux guitares du Groom qui ruissellent parfois de tristesse ; le gigantesque « Pilot In The Sky Of Dream », assurément le point G de l’album avec ses dix  minutes d’orgie illuminées par les claviers de Richard West, en témoigne. Ce titre est d’ailleurs symptomatique de cette capacité, cette science plutôt, que le groupe possède pour faire copuler puissance implacable, virtuosité écœurante et émotion touchante par l’entremise de morceaux soit relativement longs (« Fighting For Breath », « One Degree Down ») bien que toujours digestes, soit plus ramassés (« This Is Your Life », « Disappear » et ses riffs accrocheurs ou bien « Safe To Fly »). Avec Dead Reckoning, Threshold vient très certainement d’accoucher de son œuvre majeure et ce faisant, vient de marquer des points dans la course à la présidence du metal progressif. A noter que l’édition limitée comprend aussi une reprise du « Supermassive Black Hole » de Muse, aussi peu indispensable que l’original. (24.11.2008) ⍖⍖⍖