Basil Dearden - Khartoum (1966)


Khartoum fait partie de ces fresques historiques auxquelles le nom de Charlton Heston reste éternellement associé, des Dix commandements à Ben-Hur, du Cid au 55 jours de Pékin. Il trouve dans le rôle du général Gordon Pacha, héros mystique de l’Empire britannique, une figure à sa (dé)mesure, sacrificielle et quasi messianique, qui se prête bien à sa statu(r)e puissante et altière. Fait rare, les femmes sont absentes du film, parce qu’elle n’ont tout simplement rien à y faire. Ce qui ne devait pas déplaire à Charlton qui, à l’écran, n’a jamais paru franchement à l’aise, avec ses partenaires féminines bien que ses gros bras en aient serré de forts belles, de Eleanor Parker à Ava Gardner, de Senta Berger à Leigh Taylor-Young. En revanche, production british oblige, on croise à ses côtés une brochette des comédiens anglais fameux : Ralph Richardon dont les premiers ministres de sa Majesté la reine Victoria auront toujours un peu le noble visage, Richard Johnson, Michael Hordern, Nigel Green et bien sûr l’immense Laurence Olivier qui, pourtant tartiné de noir (comme dans Othello du reste), réussit à ne pas paraître ridicule en chef musulman enturbanné, ce qui n’est pas un mince exploit ! Beau film d’aventures, Khartoum peine malheureusement à être plus que cela, récit historiquement plutôt juste mais dépourvu de souffle. 


Et en 1966, il semble déjà anachronique, plus proche dans l’esprit des superproductions des années 50 que de Lawrence d’Arabie ou de Zoulou auxquels Charlton Heston a peut-être pensé en acceptant de le tourner. De l’épopée légendaire de David Lean, il lui manque cette emphase épique, ce pouvoir de fascination et tout simplement ces moments mythologiques qui forgent une œuvre de cinéma avec un grand C. Il ne possède pas davantage la modernité de Zoulou, western colonial empreint de la violence des années 60 alliant l’action à l’étude des rapports de classe qui régissaient la société anglaise jusque dans les rangs de l’armée. Malgré quelques séquences spectaculaires assurées par Yakima Canutt, auquel on doit la course de chars de Ben-Hur, jamais Khartoum ne réussit à capter véritablement la menace que fait peser sur les Egyptiens et les ressortissants britanniques l’insurrection menée par le Mahdi et déçoit par son caractère bavard qui le rend en définitive un peu ennuyeux. Néanmoins et curieusement, c’est lors de ses scènes d’intérieurs, intimistes et psychologiques, que le film convainc pourtant le plus, lesquelles doivent beaucoup à Basil Dearden, cinéaste à la fibre sociétale dont on se demandait ce qu’il venait faire là mais qui fait montre dans ces moments-là d’une réelle finesse et d’une excellente direction d’acteurs, qualité indispensable pour diriger l’affrontement de deux fortes personnalités. La fin qui voit Gordon tué par le Mahdi avant que celui-ci ne le rejoigne dans la mort, n’est pas sans beauté ni émotion. L’impression demeure cependant d’un spectacle non pas académique mais figé et poussiéreux. (01.01.2025) ⍖⍖


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