Le cinéma d'Elia Kazan ne m'a jamais vraiment intéressé. J'ai toujours trouvé ennuyeux Un tramway nommé désir, Sur les quais ou A l'est d'Eden. Seuls Panique dans la rue et L'arrangement m'ont marqué. Ce qui explique pourquoi j'ai tardé à découvrir Les visiteurs, son avant-dernier film. Si le fond porte les obsessions du réalisateur, la forme est plus étonnante. Au début des années 70, alors qu'il ne trouve pas le financement pour le mettre en boîte, Kazan se lance dans ce projet à petit budget, filmant en super 16, dans sa propre maison avec une équipe réduite (quelques techniciens et cinq comédiens) cette histoire écrite par son fils Chris, intimiste et brutale où deux anciens soldats débarquent chez celui qui les a dénoncés après qu'ils aient commis le viol et le meurtre d'une jeune femme lors de la guerre du Vietnam, pour lui régler son compte. Mais leurs motivations ne sont jamais réellement dévoilées. De là, l'ambiance pesante que ce huis clos installe chargé d'une sourde tension sexuelle qui explose de lors de l'agression de Martha.
Une relation trouble se met en place entre les deux visiteurs et le grand-père, vieil alcoolique revanchard et raciste qui se prend d'affection pour eux, lui qui méprise son gendre, campé par un James Woods débutant. Froide et épurée jusqu'à l'ascétisme, l'oeuvre évite tout manichéisme. C'est la guerre qui a fait de Mike et Tony ce qu'ils sont devenus tandis que l'on peut trouver faible Bill qui fit preuve de lâcheté en les laissant commettre leur crime. En 1972, il est sans doute le premier film à témoigner des traumatismes de la guerre du Vietnam et du retour difficile de ses soldats. Ce sujet permet à Kazan de brasser ses thèmes récurrents tels que la délation et la culpabilité à travers l'affrontement de protagonistes tourmentés. Par sa dureté glaçante et son absence de happy end, bien loin des standards hollywoodiens, le film s'inscrit dans la mouvance des Chiens de paille, Délivrance ou Orange mécanique, tous réalisés à la même époque. (24/03/2018) ⍖⍖⍖⍖
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