CinéZone | Pierre Granier-Deferre - La veuve Couderc (1971)


Comme pour Le chat tourné quelques mois plus tôt, Pierre Granier-Deferre tire La veuve Couderc d'un roman de Georges Simenon. Et à nouveau, la réussite est au rendez-vous quoiqu'en mode un peu plus mineur. Les deux films présentent des similitudes : même auteur donc, même compositeur en la personne de Philippe Sarde qui signe encore une fois une partition mélancolique qui colle à la solitude des protagonistes, même format trapu, même classicisme, même actrice principale évidemment. Mais cette fois, le réalisateur quitte le béton morne de la banlieue parisienne du début des années 70 en pleine défiguration pour poser sa caméra dans la France encore rurale de l'entre-de-guerre. Pascal Jardin déplace l'histoire de Simenon de l'Allier à la Saône-et-Loire et l'avance dans le temps, préférant esquisser en filigrane la montée du fascisme le 6 février 1934 et les Croix de feu, plutôt que l'occupation en 1942 même si les récits imaginés par le romancier belge ont cela de particulier qu'ils paraissent imperméables aux événements qui leur sont contemporains, comme hors du temps. L'univers de Simenon n'en est pas moins présent, incarné par ces canaux, ces chemins de hallage, ces fermes isolées au bord de l'eau à l'intérieur desquelles macère la haine de gens aigris et jaloux qui accouche de drames sordides et criminels. 


La première partie du film se veut la plus réussie avec Delon taiseux et énigmatique dont le regard suffit à traduire la tendresse enfouie de cet inconnu échappé du bagne. Face à lui, Simone Signoret endosse la peau cornée d'une veuve que la vie n'a pas non plus épargné et dont la maison, convoitée par sa belle famille, a quelque chose d'un bunker, d'une forteresse. Vieillie, elle enrobe pourtant son personnage d'une présence charnelle, suintant le désir qu'elle assouvit avec son beau-père, lequel semble faire partie de la baraque à la manière d'un meuble. Les scènes entre les deux "monstres sacrés" ne manquent donc pas de force, au point malheureusement d'écraser tout le film et des rôles secondaires sacrifiés, à l'exception du vieux Couderc (Jean Tissier) et de la jeune Félicie à laquelle la sensuelle Ottavia Piccolo confère un mélange effronté de candeur et de vice. Les différences sociales entre la veuve et Jean Lavigne sur lesquelles insiste le matériau d'origine sont gommées ensuite au profit d'une intrigue plus convenue murée dans le sang et la mort et s'achevant sur l'exécution de ce couple improbable. Cette fin tragique n'est pas pour déplaire à Delon mais ne possède pas la force triste et brutale dont est noircie la conclusion du roman. Mais, drame naturaliste et rustique, La veuve Couderc forme avec La horse et Le chat un corpus aussi précieux qu'homogène que Granier-Deferre n'égalera plus par la suite, à l'exception notable de Adieu poulet en 1975. (04.07.2022) ⍖⍖⍖


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