Durant la première moitié des années 70 et malgré le cancer qui le ronge de façon de plus en plus visible, John Wayne continue à tourner inlassablement, à un rythme soutenu. Mais à cette époque, le western n'est plus à la mode, détrôné par le polar. S'il reste bien sûr fidèle au genre qui l'a fait entrer dans la mythologie du 7ème art (Big Jake, Le dernier des géants...), le vieux cowboy s'essaie tardivement au film policier dans le sillage de Dirty Harry et de French Connection. Il en tournera deux : Un silencieux au bout du canon (1974) sous la houlette de John Sturges puis Brannigan. Bien que poussif, le premier des deux l'incite à poursuivre dans cette voie tracée par Clint Eastwood. Si ce dernier, considéré à tort comme son héritier, ne doit rien à John Wayne qui détestait d'ailleurs L'homme des hautes plaines, la réciproque n'est pas vrai comme l'illustre de nouveau ce Brannigan clairement inspiré par Un Shérif à New York, lui-même basé sur le sujet usé mais qui fonctionne à tous les coups du héros égaré dans un univers tant géographique que social ou culturel qui lui est étranger mais où ses méthodes jugées déplacées feront malgré tout leurs preuves. L'intérêt de cette seconde expérience réside dans le fait de déporter le Duke, figure organiquement américaine dans un cadre britannique feutré et (faussement) policé.
Plus jubilatoire que McQ, Brannigan ne manque ni de charme ni d'efficacité. Le premier puise dans cette délicieuse patine anglaise et seventies ainsi que dans la relation complice entre John Wayne et la trop rare Judy Geeson qui a promené sa blondeur souriante dans une poignée de bobines excitantes telles que L'étrangleur de Rillington Place (1970), Doomwatch (1972) ou Sueurs froides dans la nuit (1972). Richard Attenborough, Mel Ferrer, John Vernon et Lesley-Anne Down (dans une trop courte apparition) complètent par ailleurs agréablement cette solide affiche. La seconde est drainée par le savoir-faire de Douglas Hickox (Théâtre de sang) qui conduit le récit avec une élégante nervosité, laquelle lui dicte deux scènes d'anthologie : la remise de la rançon à Piccadilly que suit une longue filature énergiquement bercée par la musique de Dominic Frontiere ainsi que la poursuite en bagnoles obligée qui s'achève au pied du Tower Bridge. Quoiqu'artificielle, la sous-intrigue suivant en parallèle le tueur chargé d'exécuter John Wayne distille cependant une tension qui permet au scénario de maintenir une atmosphère menaçante (l'appartement piégé ou la tentative d'assassinat en voiture sous une pluie battante). Pourtant, comparé à La cible hurlante (1972) qui, aux côtés de La loi du milieu (1971) participait au renouveau du polar britannique, brutal et naturaliste, Brannigan se révèle décevant en ce sens où la veine sordide et quasi documentaire a cédé la place à une approche plus pittoresque, moins sombre et tout simplement plus facile sinon hollywoodienne. Au crépuscule d'une carrière qui impose le respect, John Wayne continue d'enchaîner les (bons) films, témoin ce Brannigan aussi agréable qu'énergique. (25.07.2022) ⍖⍖
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