CinéZone | Sam Peckinpah - Junior Bonner, le dernier bagarreur (1972)


On a tort de réduire l'œuvre de Sam Peckinpah à sa violence graphique car davantage que ces chairs mitraillées de toute part et ces geysers de sang dont l'opéra barbare La horde sauvage incarne la plus puissante illustration, ce sont ces personnages déphasés en bute contre une société en pleine mutation qui caractérisent avant tout son univers. De Coups de feu dans la sierra à The Wild Bunch en passant par Un nommé Cable Hogue, ses films sont peuplés de héros vieillissants, dinosaures qui affrontement avec la force du désespoir un monde qu'ils ne comprennent plus et au sein duquel ils ne trouvent plus leur place. En cela, mineur et souvent incompris, Junior Bonner, le dernier bagarreur (titre français bêtement racoleur), s'il peut décevoir par son refus de toutes scènes spectaculaires, s'inscrit parfaitement dans le sillon tracé par ses prédécesseurs. A travers le portrait de ce cowboy usé courant les rodéos pour quelques dollars, Peckinpah filme la fin de l'Ouest, détruit par la modernité. 


Les héros d'autrefois sont remplacés par des hommes d'affaires et leurs fermes par des parcs d'attraction. Plus que la revanche sur un taureau particulièrement tenace qui anime Junior Bonner, c'est sa relation avec sa famille qui fait tout le sel d'un scénario simple et nostalgique. Il s'oppose ainsi à son frère (Jo Don Baker), personnification de cette modernité sans âme. En revanche, il partage avec son père les mêmes valeurs, faites d'amitié et d'honneur, reliques d'un passé révolu. Le film offre de beaux moments à Robert Preston et à Ida Lupino qu'on avait alors un peu oublié tandis que Steve McQueen hérite d'un rôle cher à son cœur de tendre rebelle qui tente de maintenir en vie un monde en voie avancée de disparition. Proche d'Un nommé Cable Hogue, Junior Bonner mérite mieux que son titre français idiot, ballade désenchantée et ode à la liberté, quand bien même on lui préfère un Guet-apens évidemment plus jouissif, que le cinéaste tourne dans la foulée et toujours avec Steve McQueen (18.12.2022) ⍖⍖


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