La horde sauvage reste sans aucun doute le film le plus emblématique de Sam Peckinpah, celui que l’on cite en premier lorsque l’on pense à lui. Il n’était pourtant pas si évident que sa réalisation lui soit confiée. En effet, à cette époque, sa mauvaise réputation est déjà faite, due en grande partie à Major Dundee dont le montage lui échappa. Peu après, il est renvoyé du tournage du Kid de Cincinnati, finalement confié à Norman Jewison, ouvrant pour lui une longue période d’inactivité. C’est finalement Kenneth Hyman, directeur de production au sein de la Warner qui impose Peckinpah aux commandes de The Wild Bunch. A sa sortie, il est vilipendé par la critique, écœurée par sa violence crasseuse et paroxysmique. S’il est désormais considéré comme une œuvre culte, dont les carnages ont été copiés jusqu’à l’indigestion, de John Woo à Walter Hill en passant par Quentin Tarantino, sans jamais être égalés, il est néanmoins probable que le public d’aujourd’hui soit déçu par ce western dont la sève réside moins dans sa brutalité graphique (réduite aux massacres qui l’ouvre et le ferme) que dans sa vision terminale d’un Ouest vieillissant. De là le malentendu autour de La horde sauvage, à la fois opéra barbare où le sang éclabousse l’écran, où les balles perforent les chairs dans des ralentis qui transforment le genre en un ballet aussi poisseux qu’élégiaque mais surtout lente et funèbre méditation sur la liberté et l’héroïsme. C’est ainsi la quête d’un honneur perdu qui hante et guide Pike Bishop qui jadis a trahi son frère d’armes, Deke Thornton. C’est aussi l’amitié qui pousse avec un panache plein de lyrisme les quatre hommes dans la gueule du loup dont ils savent qu’ils n’en sortiront pas vivants.
Dans cette ambiance de fin du monde où surgissent automobile, fusil à pompe et mitrailleuse, ils ne sont plus que des dinosaures, des fantômes d’un temps révolu (comme le suggère le générique), des erres à la recherche d’un dernier et fatal baroud d’honneur, sésame pour le ciel des valeureux héros. Tout Peckinpah se trouve dans cette peinture crépusculaire de l’Ouest, dans ce portrait beau et désenchanté d’hommes libres contre la modernité et le cours de l’histoire mais aussi et surtout lorsqu’il s’attarde à filmer des fêtes mexicaines et dans cette innocence volée qui voit des enfants rire d’un scorpion attaqué par une marée de fourmis ou un gamin abattre, vengeur, un homme à coup de révolver. Œuvre puissante et poétique, La horde sauvage repose évidemment, outre le travail de Peckinpah sur le cadrage et le montage, sur son casting incroyable entré dans la mythologie de l’Ouest comme du 7ème art. William Holden porte encore beau, tout en virilité burinée, Ernest Borgnine, dans un ses plus grands rôles, moins brute qu’il n’en l’air, Ben Johnson et Warren Oates en frangins flingueurs, sans oublier Robert Ryan, observateur au regard triste, Edmond O’Brien, méconnaissable en vieux grigou ou L.Q Jones en tueur un peu dingue. Etape importante dans l’évolution du genre en même temps que réponse au westerns spaghetti, The Wild Bunch fait basculer le cinéma américain dans les années 70 et son cortège de doutes et de paranoïa. (17.07.2024) ⍖⍖⍖⍖
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