KröniK | In This Moment - Godmode (2023)


Depuis ses débuts, In This Moment cultive paradoxes et malentendus. Sa musique est cataloguée dans le metalcore mais il n’a eu de cesse de s’en éloigner, puisant tour à tour dans le metal alternatif ou l’électro. Comparés injustement à la vulgarité de formations féminines telles que Butcher Babies, les Américains développent au contraire une forte identité et un univers plus intéressant qu’il n’y paraît de prime abord. Alors que le groupe se confond avec sa chanteuse, Maria Brink, dont il est vrai que la personnalité autant que les obsessions infusent tout son art, les autres musiciens ne se contentent pas de faire de la figuration au service de leur charismatique prêtresse. Le guitariste Chris Howorth, plus particulièrement, occupe une place essentielle dans l’érection de cet édifice aussi bien sonore qu’esthétique. Fort d’une discographie qui s’enrichit tous les trois ans environ d’une nouvelle pierre, In This Moment a donc su gagner le respect des critiques et imposer un style, une signature, lourde et charnelle, sombre et sensuelle, qu’il continue de travailler, de façonner, de peaufiner. A bien des égards, Godmode s’inscrit dans la continuité de son acclamé prédécesseur. Sa pochette, au centre de laquelle trône une silhouette dont on devine qu’il s’agit de Maria, madone lascive d’une nouvelle ère, renvoie à celle de Mother avec lequel ce huitième album partage en outre une même symbolique religieuse. Il laboure enfin un sillon électronique identique dont il accentue plus encore les pulsions industrielles (‘Sacrifice’). Cette influence est désormais parfaitement digérée par les Californiens auxquels elle commande une expression plus martiale que jamais, plus oppressante aussi. 


Une ambiance presque malsaine enserre un menu compact qui se manifeste dès le morceau-titre, amorce inquiétante, parasitée par des sonorités robotiques. La batterie martèle une peur vicieuse et le chant de Maria oscille entre la folie rageuse et la langueur trouble. Cette schizophrénie contamine la majorité des chansons, de ‘The Purge’ qui voit la belle susurrer et hurler avec la même aisance, à ‘Sanctify Me’ dont la beauté émotionnelle est étouffée, broyée par une colère hallucinée qui confine à la démence. Sans surprise, la chanteuse se montre très en forme, trouvant dans ces compositions couturées de plaies indus l’écrin idéal à sa théâtralité licencieuse et possédée. Pour autant, ce sont les moments (faussement) apaisés qui lui fournissent ses performances les plus séduisantes, à l’instar de ‘Skyburner’ dont le calme trompeur cache pourtant une tension qui couve, gronde mais, toujours contenue, n’explose jamais à la manière d’un orgasme avorté. Citons également la ballade terminale ‘I Would Die For You’, puissamment érotique et taillée pour le cinéma qui l’a d’ailleurs utilisé pour la B.O. de "John Wick : chapitre 4". Fidèle à son habitude, In This Moment se livre aux exercices de la reprise et du duo. La première est celle de ‘Army Of Me’ de Bjork, qui s’adapte naturellement à son style, le second, ‘Damaged’, accouple l’organe de Maria avec celui de Spencer Charnas (Ice Nine Kills), deux titres auxquels on préfère toutefois la relecture du ‘We Will Rock You’ de Queen sur l’album précédent et qui l’associait aux chanteuses de Halestorm (Lizzy Hale) et The Pretty Reckless (Taylor Momsen) pour un résultat plus surprenant. Le tout peut sembler manquer de nuances mais il grouille en vérité de multiples détails, enfouis dans les replis ténébreux de sa chaude intimité. Ecarté entre effroi et beauté, péché et pureté, Godemode est un disque très travaillé, qui palpite d’une sombre modernité. Il est une œuvre de son temps, empreinte de ce climat dérangeant propre au groupe, dont il freine sans aucun doute une reconnaissance populaire qui mériterait d’être plus grande, mais l’auréole d’une espèce de flamboyance bizarre, d’une démesure orgiaque qui font définitivement toute sa saveur, agressive et suave. (16.11.2023 | MW) ⍖⍖

Commentaires

Random posts

Index

Plus d'éléments

Goddess

Accueil