Baptisés "Les tueurs aux petites annonces", Raymond Fernandez et Martha Beck semèrent la terreur dans l'Amérique de la fin des années 40. Le cinéma s'emparera évidemment de ce couple criminel qui accouchera notamment du film culte Les tueurs de la lune de miel (1970) de Leonard Kastle. Plus étonnant est Alleluia qui s'en inspire en déplaçant l'intrigue dans les Ardennes. Travaillant dans une morgue où elle est chargée de laver les cadavres, Maria vit seule avec sa fille. Sur les conseils d'une amie, elle répond à une petite annonce et rencontre Julien dont elle tombe amoureuse. Eperdument. Fiévreusement. A la folie. Mais une folie meurtrière. Lui est un escroc minable qui séduit les femmes pour les détrousser ensuite. Rapidement, elle se colle à lui et l'accompagne dans un périple qui basculera dans le sang. Car, jalouse jusqu'à la névrose, Maria ne peut accepter de voir son amant dans les bras d'autres femmes qu'elle finit par tuer sauvagement dans un accès de fureur. Ce qui rend leur plan impossible à réaliser.
Tous les deux forment un couple bizarre, trouble, que la fausse parenté affichée (ils se font passer pour frère et sœur) poisse d'une dimension incestueuse. Laurent Lucas, assez formidable (la scène du restaurant est savoureuse), et Lola Dueñas, de plus en plus démente au fur et à mesure que l'histoire se dévide, habitent ces deux personnages engluées dans une romance macabre. Collant au plus près des corps et des visages, Fabrice Du Weltz capte leurs pulsions de façon puissamment charnelle, presque érotique. Après Calvaire, avec lequel Alleluia composent les deux premiers chapitres d'une trilogie que clôturera Adoration (2019), la maîtrise du réalisateur belge est totale. Il cisèle son métrage à la manière d'une tragédie rituelle en plusieurs actes, enracinée dans la terre froide des Ardennes et ce faisant, réussit à transcender le cinéma de genre auquel son travail est rattaché et qu'il (re)visite avec force et personnalité en jouant de ses invariants et des situations imposées, écoulant le gore dans le creuset d'un amour fou et mortifère. Il ne fera jamais mieux. (06.02.2023) ⍖⍖



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