KröniK | Junon - Dragging Bodies To The Fall (2024)


Petit rappel. General Lee se saborde peu après Knives Out, Everybody ! (2015) pour devenir Junon. En 2021, The Shadows Lengthen scellait ce nouveau départ, EP franchement prometteur dont beaucoup attendaient avec impatience la suite. Là voilà enfin. Emballé par l’indispensable Francis Caste (qu’on ne présente plus) aux studios Sainte Marthe, Dragging Bodies To The Fall se veut, autant l’annoncer de suite, l’album que les admirateurs du groupe espéraient bien le voir enfanter. Pour autant, il serait faux d’affirmer que les Nantais n’ont pas évolué depuis leur premier petit galop d’essai. Alors que celui-ci les voyait sculpter une expression plus post rock qu’à l’époque de General Lee, son successeur se révèle contre toute attente bien plus brutal, réservoir d’une colère aussi poisseuse que désespérée. Les racines post hardcore font ainsi plus qu’affleurer à la surface de chansons qui grondent d’une noirceur punitive. A leur écoute, on mesure que les gars ne vont pas tellement mieux. Il faut dire que le spectacle offert actuellement par l’humanité ne prête pas à la joie et à l’insouciance. Dragging Bodies To The Fall se nourrit de cette apocalypse imminente qui guette nos sociétés. Chant qui râcle, hurle comme si demain ne devait plus exister, guitares rongées par une mélancolie déprimante, rythmique prisonnière d’une gangue de béton, tous les musiciens apparaissent à l’unisson de cette inexorabilité douloureuse. 


Espoir et lumière sont totalement éconduits d’un album écrit à l’encre noire. Une forme de beauté n’en est toutefois pas absente, comme l’illustre d’entrée de jeu ‘Segue 1 – The Final Voyage’ mais elle demeure tout du long âpre, coulée dans une dureté minérale. Même un titre tel que ‘Out Of Suffering’ dont les prémices semblent annoncer un souffle (relativement) plus léger, malgré des aplats plus post metal, s’enfonce dans une sombre cuve. L’ambiance se montre donc extrêmement pesante, viciée (‘Caught In Hypocrisy Loops’ que cisaille cependant de timides éclairs). Elle l’est même de plus en plus, à l’image du radical ‘Another Bar To Your Cage’, crachat franchement hardcore. Mais là encore, rien n’est tout noir ni tout blanc car Junon sait toujours aérer son propos, creuser des fentes salvatrices desquelles s’écoulent de pâles lueurs. Au bout de ce chemin douloureux se dresse l’énorme (à tous points de vue) ‘Halo Of Lies’ qui après avoir écumé une terre rude et abrasive mute en une errance fantomatique aux confins de l’ambient avant de mourir dans un fracas supplicié. Davantage que l’addition de titres épars, Dragging Bodies To The Fall érige un bloc indivisible, peinture d’une (in)humanité rongée par des pulsions mortifères. Ce faisant, Junon n’a pas raté à la fois son retour et son premier véritable cri de haine. (13.04.2024 | MW) ⍖⍖⍖

 

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