CinéZone | Yves Boisset - R.A.S. (1973)


Contrairement au cinéma américain qui possède une longue tradition du film politique et engagé, aimant ausculter son passé ou dénoncer des événements contemporains (le Viêtnam notamment), les cinéastes français se sont quant à eux toujours montrés plus frileux à remuer les périodes les plus sombres ou contestées de notre histoire. Encore - et surtout - aujourd'hui, la guerre d'Algérie demeure, avec la Terreur et la Commune de Paris, un des épisodes les plus tabous de notre passé. C'est dire tout le courage dont Yves Boisset a dû s'armer pour aborder, moins de dix ans après les Accords d'Evian, cette tache indélébile dans l'histoire française. Homme de gauche dont le cinéma porte en lui cet engagement, de L'attentat (sur l'assassinat de Ben Barka) à Dupont Lajoie (sur le racisme ordinaire) en passant par Le juge Fayard dit "Le shériff", il n'est toutefois pas surprenant qu'il ait décidé de s'emparer d'un sujet aussi polémique. R.A.S. (pour rien à signaler) suit le destin en 1956 de trois jeunes réservistes enrôlés dans la guerre d'Algérie, qui se retrouvent au milieu du désert au sein d'un bataillon disciplinaire. Avec une grande efficacité, le réalisateur dénonce l'absurdité de tout un système qui voit des appelés partir se battre en Algérie. 


Si, sans surprise, il est victime de la censure, le film se révèle pourtant moins antimilitariste qu'on ne le croit. Certes, Boisset dépeint au vitriol des militaires aussi médiocres que cruels (Claude Brosset, Roland Blanche) et illustre avec lucidité et âpreté la façon dont est punie l'insoumission de cette poignée de réserviste mais son portrait du commandant Lecoq (excellent Philippe Leroy-Beaulieu), un officier inspiré du commandant Pouget chargé de former une unité spéciale avec ces réfractaires, nuance sa charge contre l'armée qu'il cherche en définitive moins à railler que l'administration qui a rendu possible ce système. R.A.S. n'échappe toutefois pas au manichéisme. Ces personnages sont parfois caricaturaux et le regard qu'il adopte sur le conflit, trop imprégné de la vision partiale et parcellaire du FLN (ce qui est le cas de tous les historiens de gauche au logiciel marxiste rouillé). Les décors rocailleux et la partition du regretté François de Roubaix concourent à créer un envoutement qui confère une ambiance très particulière à ce film qui par ailleurs révéla une belle brochette de comédiens : Jacques Weber, Jacques Spiesser, Jean-François Balmer, Jacques Villeret...  (07.07.2023) ⍖⍖



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