CinéZone | Robert Siodmak - Custer, l'homme de l'Ouest (1967)


Héros de la Guerre de la Sécession, figure emblématique des Guerres indiennes, le général Custer a fait l’objet de centaines d’ouvrages, de bandes dessinées et de films. Officier génocidaire ayant contribué à l'éradication du peuple indien, l’homme n’en est pas moins controversé et le célébrer embarrasse plus que jamais une Amérique ravagée par le fléau de la culpabilisation et de la repentance. Idéalisé par Raoul Walsh dans La charge fantastique (1941), au demeurant magistral, ridiculisé par Arthur Penn dans Little Big Man qui le présente comme un idiot ivre de puissance, le personnage ne bénéfice pas d’un portrait tellement plus authentique dans Custer, l’homme de l’ouest. Si ses ambiguïtés ne sont pas occultées, il y apparaît avant tout en soldat héroïque en butte contre des politiciens véreux et pour lequel l’honneur et le courage sont des mots qui ont encore un sens. Certes impitoyable avec les Indiens, il y est dédouané de sa responsabilité du massacre de Washita, vite expédié à l’écran par surcroît. En cela, le film semble déjà anachronique à la fin des années 60, époque où le western est travaillé par une entreprise de démythification à laquelle il s’oppose par le classicisme de son approche et son souci du grand spectacle (le producteur Philip Yordan oblige). Dans l’esprit, il se veut donc finalement plus proche d'une superproduction à la manière du Cid que d'un Little Big Man. En dépit des moyens et des talents mis à sa disposition, Custer l’homme de l’ouest n’en laisse pas moins une impression bizarre, plus convaincant dans ses moments intimes que dans les séquences spectaculaires qui semblent n’être là que pour justifier le recours au Super Technirama 70. 


A ce titre, le massacre de Little Big Horn, étonnamment filmé de très loin et teinté de tristesse, laisse supposer que Robert Siodmak nourrissait d’autres ambitions que d’assurer un simple western à grand spectacle. Le fait que l’œuvre ait été réalisée par un Allemand et soit portée par un acteur anglais dans la peau d’une légende américaine (et qui, magie du cinéma, venait de jouer Henry VIII !), n’est d’ailleurs sans doute pas étranger à son curieux résultat. Associé au film noir qu’il a contribué à rénover dans les années 40 (Deux mains la nuit, Les tueurs, Double énigme…), on est même surpris de voir Siodmak chevaucher un genre si éloigné de son terrain de prédilection. C’est oublier cependant qu’au crépuscule de sa vie, il tourne en Europe un peu n’importe quoi. Aventures (Les mercenaires du Rio Grande) ou péplum (Pour la conquête de Rome) alimentent ainsi une fin de carrière décevante de laquelle n’émergent vraiment que L’affaire Nina B. (1961) et ce Custer qui doit en vérité beaucoup à Robert Shaw qui livre une interprétation tout à fait digne d'intérêt. Il transforme cet officier en héros tragique, à quoi participe incontestablement, dans la version française, le doublage de Jacques Daqmine qui lui confère une élégance tavelée d’amertume. Il est déjà un homme du passé, qui n'est plus à sa place dans un pays en pleine mutation à l’aube d’une modernité déshumanisée que représentent le chemin de fer et l’irruption de machines de guerre qui annonce la Première Guerre mondiale. Bancal (anecdotiques, les scènes avec Robert Ryan sont totalement inutiles), trop long, historiquement contestable et n’ayant même pas pour lui le romantisme lyrique de La charge fantastique, Custer l’homme de l’ouest n’en reste cependant pas moins un bon western, curieux donc mais non sans charme et puissance. (30.10.2023) ⍖⍖


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