Bien qu’elle ait tourné avec, excusez du peu, Alfred Hitchcock (Les oiseaux), Raoul Walsh (La charge de la huitième brigade) ou Henry Hathaway (Nevada Smith), Suzanne Pleshette demeure avant tout associée à d’inoffensives comédies, pour Walt Disney (Quatre bassets pour un danois) ou pas (Des ennuis à la pelle) et de multiples apparitions dans des séries télé fameuses (Les mystères de l’Ouest, Les envahisseurs, Columbo). Soucieuse de prouver ses talents – réels – de comédienne et de gagner du galon, elle interprète en 1965 le personnage principal de A Rage To Live. Que ce dernier adapte un roman de John O’Hara comme La vénus au vison (1960) qui permit à Elizabeth Taylor de rafler l’Oscar de la meilleure actrice, n’est certainement pas étranger à son choix d’en être la tête d’affiche. Las, contrairement au film de Delmer Mann, très surestimé par ailleurs, le succès fut moins au rendez-vous et aucun prix ne couronna sa performance néanmoins digne d’éloge. Certes trop vieille pour camper une lycéenne lors des premières scènes, elle incarne par la suite non sans justesse et profondeur cette nymphomane plus complexe qu’elle n’en a l’air, épouse et mère incontestablement aimante mais que la soif de sexe ne peut contraindre à se ranger docilement dans le rôle assigné aux femmes de la bonne société américaine, quitte à rompre le bonheur tranquille promis par un mariage pourtant heureux.
Loin de ces figures de garces mangeuses d’hommes dont le cinéma brossait jusqu’alors le portrait à l’encre noire, Suzanne Pleshette rend sympathique et attachante cette jeune femme dont le moteur ne puise ni dans l’argent ni même dans le vice mais seulement dans la quête d’un épanouissement personnel dénué de la moindre volonté revendicatrice de s’émanciper ou de s’opposer au diktat bourgeois. Corseté par les contraintes imposées par les studios qui l’empêche de dévoiler la moindre nudité ou situation scabreuse, le film semblera, au public d’aujourd’hui, bien sage et daté dans sa morale qui condamne finalement son héroïne à la solitude mais en 1965, dépeindre un personnage féminin sexuellement libéré de façon ni caricaturale ni réprobatrice était encore audacieux. Trahison du roman de John O’Hara dont il déforme la fin et dilue la richesse et le rapport de classes entre les divers protagonistes, A Rage To Live méritait sans doute mieux comme réalisateur que le modeste Walter Grauman dont le goût pour le suspense (Une femme dans une cage) lui dicte cependant un noir et blanc intense et une manière à la fois sourde et pesante de filmer autour de Grace la ronde des hommes dont on devine dans chaque plan les pulsions refoulées (Ben Gazzara) et l’amour secret (Peter Graves). Si on rêve de ce qu’un metteur en scène d’un autre calibre aurait tiré de l’œuvre de John O’Hara, A corps perdu n’en demeure pas moins un beau mélodrame porté par une Suzanne Pleshette dont la performance tourmentée justifie qu’on s’y intéresse. (11.10.2023) ⍖⍖
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