Si la collaboration entre Henry Hathaway et Gary Cooper s’avère moins emblématique que celle associant John Ford et John Wayne, elle n’en a pas moins offert sept films dont plusieurs classiques : Les trois lanciers du Bengale (1935), Peter Ibbetson (1935) et Le jardin du diable (1954). Intéressant à bien des égards (nous y reviendrons), Ames à la mer ne saurait cependant être considéré comme tel. La faute à un scénario qui cherche à en dire trop, multiplie les genres, récit romanesque et analyse des rapports de classes sur fond d’espionnage, d’aventures maritimes tout en dénonçant le commerce triangulaire et les agissements crapuleux des négriers. Cela fait beaucoup. Inspiré d’une histoire vraie, le film s’ouvre sur le procès de Gary Cooper, accusé d’avoir exécuté les passagers d’un navire lors d’un naufrage. Un long flash-back (procédé encore rare à l’époque) dévoile la mission d’infiltration du milieu esclavagiste qui lui avait été confiée et les circonstances du drame. Dans le sillage du triomphe rencontré par Les révoltés du Bounty de Frank Lloyd (1935), Hathaway nourrissait l’ambition de réaliser une fresque épique d’une toute autre ampleur dont les deux heures et demi de pellicule prévues ont malheureusement été rognées par la Paramount pour des raisons d’efficacité. Ramené à 88 minutes trop étriquées, Souls At Sea file à toute vapeur mais laisse par conséquent un goût brouillon d’inachevé, son format ne l’autorisant pas creuser ses nombreuses intrigues, de fouiller des personnages pourtant remarquablement ambigus.
Avec sa beauté irréelle et la douceur de son regard, Gary Cooper campe un marin plein de charme et d’élégance toutefois capable de trier d’une manière toute personnelle et cruelle (à coups de flingue !) les passagers qui pourront embarquer dans l’unique canot de sauvetage à disposition. Henry Wilcoxon incarne le méchant de l’histoire sans qu’on parvienne pourtant à le détester. Il est regrettable néanmoins que de tous les aspects qu’il balaie dont le naufrage, spectaculaire mais finalement trop vite expédié (et qui n’est curieusement pas sans évoquer le Titanic de James Cameron!) et sur lequel on aurait aimé qu’il insiste, le scénario ait choisi de s’attarder sur l’intrigue amoureuse, peu captivante au surplus à cause d’une Frances Dee guère attachante. Plus réjouissante se veut en revanche l’amitié, parfois équivoque d’ailleurs, entre Cooper et George Raft, étonnant en comparse truculent qui court les filles et les tavernes. Mais, pouvant compter sur le savoir-faire de la Paramount et de son équipe, Henry Hathaway connaît son métier, assurance qui lui dicte une mise en scène pleine d’une fougue nerveuse tandis que Gary Cooper exprime toute la complexité de son personnage sans jamais en faire de trop, à l’image des scènes du procès où, taiseux, il irradie ce mélange ombrageux de force et de fragilité qui n’appartient qu’à lui. (26.06.2024) ⍖⍖
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