En France, Elaine May reste assez peu connue, uniquement associée au médiocre Ishtar (1987) avec Dustin Hoffmann, qu’elle a réalisé, et aux scénarios qu’elle a signés pour Warren Beatty (Le ciel peut attendre, Reds) ou Sydney Pollack (Tootsie). Mais il n’en va pas de même aux Etats-Unis où son statut d’artiste complète, à fois actrice, scénariste et réalisatrice en fait une pionnière respectée, sorte de trait d’union entre Ida Lupino et un Woody Allen conjugué au féminin (il y a d‘ailleurs un peu de Diane Keaton en elle). Rendue célèbre par le duo qu’elle formait à partir de la fin des années 50 avec Mike Nichols, elle passe à la mise en scène en 1971 avec Un nouveau départ. Aujourd’hui oubliée, il s’agit pourtant d’une comédie savoureuse qu’elle anime face à un Walter Matthau matois et narcissique en un duo « parfait ». Lui campe un rentier paresseux et égoïste, oisif élégant au bord d’une faillite imminente. Pour sauver sa misérable peau d’héritier gâté, il pourrait se mettre à travailler mais il n’en a pas tellement envie.
Son fidèle majordome lui souffle finalement l’idée d’épouser une riche femme seule et de la tuer en une semaine, court répit qu’il lui reste avant de devenir pauvre. Quelle horreur ! Elle, joue la proie sur laquelle il jette son dévolu, intellectuelle binoclarde et empotée. Au moment où il s’apprête enfin à mettre son plan à exécution, il finira par comprendre qu’il est tombé amoureux de cette femme qui l’a rendu meilleur. Elaine May n’était semble-t-il pas satisfaite de cette fin (ainsi que du montage qui lui a échappé) mais elle traduit pourtant bien la lente transformation de Henry Graham et sa prise de conscience. A la fois variation sur le registre de la comédie romantique et love story douce-amère, A New Leaf (beau titre original) conte en vérité avec humour et tendresse la rencontre de deux solitudes. Si le jeu de sa partenaire agace par moments, Walter Matthau est quant à lui formidable dans un rôle différent de ceux qu’on lui confiait alors. (31.07.2024) ⍖⍖
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