Après La grande évasion (1963) de John Sturges, qui confirme son statut de star gagné trois ans plutôt grâce au Sept mercenaires du même réalisateur, Steve McQueen enchaîne trois films qui, malgré leurs qualités, ne rencontrent pas un franc succès (à l’exception du premier d’entre eux) : Une certaine rencontre et Le sillage de la violence de Robert Mulligan ainsi que Le dernier bagarreur de Ralph Nelson. Sorti sur les écrans en 1965, Le kid de Cincinnati ouvre pour l’acteur un nouveau chapitre dans sa carrière, premier vrai triomphe commercial en tant que seule tête d’affiche et surtout jalon essentiel dans la construction de son personnage et de son mythe. En cela, sûr de lui et sexy, solitaire et rebelle, le Kid annonce Norman Jewison ou Frank Bullitt quoiqu’il porte encore en lui des tourments, des fêlures. La fin du film le dévoile ainsi vaincu, brisé. Mais il n’est finalement pas très attachant, moins dans tous les cas que le vieux Lancey Howard qu’il affronte lors d’une (très) longue partie de poker qui par son issue, entame sa confiance inébranlable et une part de sa virilité. Il y a quelque chose d’un duel de western entre les deux hommes, comme ces gamins persuadés d’être des as de la gâchette cherchant à défier leurs aînés rois du pistolet.
Dans un rôle prévu pour Spencer Tracy, Edward G. Robinson, éblouissant, joue les vieux maîtres, calme et rusé dont on devine qu’il l’emportera face à son jeune adversaire qui, bien que brillant, à encore beaucoup à apprendre. Immense succès et étape importante dans la carrière de Steve McQueen donc, lequel impose son charisme sexy, Le Kid de Cincinnati n’est toutefois pas le chef-d'œuvre espéré. Norman Jewison peine quand même à restituer toute la tension de cet affrontement tandis que certains effets (les plans sur les regards des spectateurs de la partie et leurs pensées en voix off qui les accompagnent) paraissent trop appuyés. La vie sentimentale du Kid, si elle nous éclaire sur son caractère, ralentit le récit qui au bout du compte ne possède pas la même force que L’arnaqueur (1961) de Robert Rossen dans les pas duquel il s’inscrit nettement. De fait, on rêve de ce que Sam Peckimpah, qui en a entamé le tournage avant d’être viré (soi disant pour des scènes érotiques avec Sharon Tate), aurait fait de cette histoire… Mais le charme de Steve McQueen opère, Edward G. Robinson est parfait, tout comme Karl Malden dans le rôle du ‘Jongleur’, cocu et obligé de tricher et Ann-Margret et Tuesday Weld forment un séduisant duo féminin. Ajoutons à cela la photographie de Philip Lathrop et la musique de Lalo Schifrin (et le générique de fin chanté par Ray Charles!), c’est de la bel ouvrage. Le mythe McQueen est en marche. Suivront dans des genres différents, Nevada Smith et La canonnière du Yang-Tsé… (09.09.2024) ⍖⍖
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