Comme dans Le génie du mal (1958) et L’étrangleur de Boston (1968) Richard Fleischer s’inspire d’une authentique histoire criminelle dans L’étrangleur de Rillington Place, celle du tueur en série John Christie, sorte de Landru ayant sévi à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale et jusqu’au début des années 50. Il tuait des femmes dont il cachait les corps dans le jardin ou dans l’appartement qu’il occupait, place Rillington. D’entrée de jeu, Fleischer nous l’expose en pleine action, manière de briser le ressort habituel des polars qui fonctionnent bien souvent sur la recherche de l’identité du meurtrier. Ce n’est donc pas une enquête policière ni même une biographie exhaustive (la jeunesse de Christie n’est pas évoquée et son passé seulement distillé par bribes) qui nous est proposée mais davantage une plongée dans les replis d’un cerveau malade. Le récit se concentre sur le double meurtre de Beryl Evans et de sa petite fille dont sera accusé à tort le mari, erreur judiciaire qui aboutira à l’abolition de la peine de mort en Angleterre. Mais, si la pendaison de Tim Evans, exécutée avec une rapidité sèche et brutale en moins d’une minute pour le moins malaisante, permet au réalisateur de dénoncer la peine capitale, il s’agit pour lui moins de signer une œuvre engagée que d’insister sur l’emprise que cet homme cultivé et intelligent exerçait sur ses victimes en jouant avec subtilité sur les différences de classes et d’éducation. Les Evans sont de pauvres gens, aisés à manipuler dont on voit peu à peu le piège que Christie leur tend, se refermer sur eux.
Richard Attenborough trouve là un de ses rôles les plus marquants. Affublé d’un front postiche, son interprétation remarquable repose sur sa voix calme, presque murmurée (un peu comme Anthony Hopkins bien plus tard), sur une façon de se mouvoir, de se déplacer et une multitude de gestes (ces rideaux qu’il ne cesse d’écarter pour épier la rue) qui créent un malaise, une inquiétude sourde et feutrée. Laid et pathétique, il a le banal physique de l’emploi, celui d’un être minable qui se repaît dans une vie ratée tant sociale, professionnelle qu’affective. Encore à ses débuts après avoir été remarqué dans Davey des grands chemins (1969) de John Huston, John Hurt se montre convaincant dans la peau de cet ouvrier fruste que ses accès de colère rendent néanmoins odieux, loin de la victime sympathique à laquelle son statut de pauvre ère le prédisposait. Quant à Judy Geeson, elle ne retrouvera plus guère de rôles aussi intéressants, bientôt cantonnée aux films d’horreur (Doomwatch, Sueurs froides dans la nuit), à l’exception du Brannigan avec John Wayne. Enfin, comme le suggère davantage le titre original que français lequel, pour d’évidentes raisons commerciales, mise sur la référence à The Boston Strangler, il y a un quatrième personnage, l’immeuble du 10 de la place Rillington dans lequel Fleischer enferme une bonne partie du film en un huis clos vicié. Sa caméra utilise admirablement l’étroitesse des lieux, en collant aux visages, en balayant à l’aide de plans séquences et de travellings ces décors qui suintent le misérable, en une reconstitution aussi minutieuse que glaciale. Ce faisant, il se fend de son travail techniquement parmi les plus aboutis à une époque où il enchaîne les réussites, de Terreur aveugle (1972) aux Flics ne dorment pas la nuit (1972), de Soleil Vert (1973) à Mr. Majestyk (1974). (19.08.2024) ⍖⍖⍖⍖
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