Donner un successeur au monstrueux Gutter Ballet n’était pas chose aisée, loin s’en faut, bien au contraire, car il ne s’agissait pas juste de pondre un disque de plus. Quoi de mieux dans ces conditions que de s’atteler à l’exercice ô combien difficile et casse-gueule du concept album. Peu dans le monde du metal s’en sont sortis avec les honneurs, mais Savatage, malgré son statut relativement modeste, a réussi là où des groupes bien plus reconnus que lui ont échoué. Streets, sous-titré « A Rock Opera » est là pour le prouver. 16 morceaux en un peu plus d’une heure, une histoire ambitieuse narrant la destinée d’un jeune dealer dans l’enfer urbain new-yorkais, le tout mâtiné de références religieuses : les Américains n’ont pas fait les choses à moitié. Tout commence par le sombre et puissant « Streets », que précède des chœurs d’enfants introduisant le disque d’une manière faussement douce. Puis déboule le très heavy « Jesus Saves », illuminé par un solo superbe et ravageur (comme sur la plupart de ses compagnons) de Criss Oliva, guitariste parmi les plus sous-estimé du circuit.
Moins violent que ces prédécesseurs, Streets alterne néanmoins avec brio chansons douloureusement émotionnelles (les sublimes « Tonight He Grins Again », « If I Go Away ») et brûlots malsains dotés d’une force de frappe redoutable (les gigantesques « Can You Hear Me Now » et « Ghost In The Ruins »). Les fans de la première heure regretteront sans doute que Savatage colore sa musique d’une palette de plus en plus mélodique, à l’image des claviers très présents de Jon Oliva, mais la voix de ce dernier se veut toujours rageuse et les furieux « Sammy And Tex » ou « Agony And Ecstasy » n’ont rien à envier aux thrasheries d’antan. De toute façon, ce sens du grandiose et de la démesure, déjà présent sur Hall Of The Mountain King et Gutter Ballet, et qui éclate ici, notamment lors du diptyque final « Somewhere In Time / Believe », emporte tout sur son passage et ne peut que satisfaire les aficionados (ou pas) du groupe. Avec Streets, Savatage a donc réalisé un nouveau chef-d’œuvre appelé à faire date dans l’histoire du hard rock et qui sera le dernier opus avant longtemps (2001 et Poets And Madmen, pour être précis) chanté par l’imposant frontman, celui-ci décidant peu après d’abandonner le micro afin de se concentrer sur ses claviers.(2006) ⍖⍖⍖
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