William Friedkin - French Connection (1971)


Produit par Philip d’Antoni comme Bullitt et Police Puissance 7 avec lesquels il forme une espèce de corpus policier, French Connection est une œuvre matricielle de part l’importance qu’il a eue, dans le cinéma américain en général et dans le polar en particulier. Ainsi, contrairement à Bullitt  de Peter Yates ou à Police sur la ville de Don Siegel, qui pourtant participèrent au renouveau du film policier trois ans plus tôt, il n’y a plus rien d’Hollywoodien dans French Connection filmé avec l’authenticité d’un documentaire, dont le scénario, inspiré de faits réels, est dégraissé de tout romantisme (les femmes en sont quasiment absentes) tandis que la ville de New York n’avait alors encore jamais été éventrée avec un tel réalisme sale et sordide, loin du San Francisco pittoresque de Bullitt ou des décors urbains proprets de studio. De même, le personnage de « Popeye » Doyle surprend par sa brutalité et son racisme à peine voilé, flic acharné jusqu’à la folie, qui sacrifie sa vie personnelle pour son métier. Au vrai il n’est même pas tellement sympathique (sous son vrai nom de Eddie Egan, il apparaîtra du reste sous un jour encore moins flatteur dans Police Connection). A la fin, il abat par erreur un de ses collègues mais paraît s’en moquer, toute à son obsession de buter Alain Charnier, le Français à la tête de ce trafic de cocaïne. Il ne  possède ni la séduction ni l’invincibilité des flics incarnés par Steve McQueen ou Clint Eastwood avec lesquels il tranche physiquement. 


En cela, carcasse grossière et dégaine rustre, Gene Hackman, dont la carrière a véritablement été lancée par ce rôle, est un choix judicieux. Le film lui doit beaucoup de sa force et de son identité, laquelle aurait certainement été toute autre avec une star comme Paul Newman, choix initial du réalisateur. Il faut louer néanmoins le reste de la distribution, de Roy Scheider discret en acolyte discipliné de Popeye (il pendra du galon dans Police puissance 7) à Tony Lo Bianco, de Marcel Bozzuffi en tueur froid à Fernando Rey dont le salut amusé qu’il adresse à Doyle après l’avoir semé, demeure ancré dans la mémoire des cinéphiles. Adaptant le bouquin éponyme de Robin Moore, Ernest Tidyman (qui signera plus tard le scénario de L’homme des hautes plaines) dévide avec une mécanique d’orfèvre un récit qui n’est finalement qu’une longue filature dont chaque étape appelle la suivante, où chaque séquence en entraîne une autre. De fait, le film est ponctué de scènes d’anthologie : la traque dans les couloirs et les quais du métro et bien sûr la poursuite entre Gene Hackman et Marcel Bozzufi que couronne la chasse légendaire d’une rame de métro par une bagnole qui la suit d’une station à l’autre en bravant la circulation. La maîtrise de William Friedkin, sa science du découpage et du montage, s’y révèlent éblouissantes. Après plusieurs films plutôt confidentiels mais prometteurs (dont L’anniversaire d’après Harold Pinter), French Connection sera son sésame pour Hollywood qui le récompensera par 5 Oscars. John Frankenheimer en tournera quatre ans plus tard une suite mal aimée et pourtant digne d’intérêt. (23.08.2024) ⍖⍖⍖⍖


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