Shun’ya Ito - La tanière de la bête (1973)


Troisième épisode d’une série de films consacrés au personnage de La Femme Scorpion tiré du manga de Toru Shinohara, mais le dernier réalisé par Shun’ya Ito, c’est peu dire que nous attendions beaucoup de La tanière de la bête. Son titre annonciateur d’un spectacle aussi brutal que transgressif, son affiche où se détache, toute vêtue de noir, Meiko Kaji, sinistre figure vengeresse dans l’inconscient du cinéphile et tout simplement l’aura culte qui l’entoure, ne pouvaient ainsi que dresser notre excitation. Las, le film ne se montre malheureusement à la hauteur ni de l’attente ni de ses deux prédécesseurs, La Femme Scorpion et Elle s’appelait Scorpion, tournés l’année précédente. Si le choix de faire du quartier sordide dans lequel Sasori échoue une métaphore de  l’univers carcéral propre à la série, était une bonne idée, la violence sociale remplaçant en quelque sorte les murs de la prison, La tanière de la bête s’égare très vite entre plusieurs intrigues inabouties, et de multiples personnages, trop peu développés par ailleurs. 


Ainsi, malgré une amorce bien gore (un flic qui se fait sectionner le bras) et donc prometteuse, quelques séquences d’une violence choquante (un avortement brutal) et un climat sexuel malsain (la relation incestueuse entre la prostituée et son frère) qui rappellent que le cinéma japonais, ne se fixant aucune limite, a toujours aimé repousser les limites de l’acceptable, l’œuvre accuse de fâcheuses baisses de régime qui entament une intensité finalement en berne. Pourtant, porté par une Meiko Kaji qui, muette et fantomatique, impose une présence troublante, bien que trop lointaine, le film distille un réel pouvoir de fascination, véritable brûlot féministe que peuplent des hommes tous plus dégueulasses les uns que les autres, quand bien même, certaines femmes en sont pas en reste dans l’abject  (l’ancienne codétenue de Sasori). L’héroïne apparaît plus que jamais comme le bras armé dont la mission est de venger les femmes que la société japonaise très patriarcale enferme dans la soumission et réduit au rôle d’objet sexuel. Manière pour le réalisateur jouer sur les codes du pinku eiga, ce courant du cinéma érotique japonais auquel est arrimée maladroitement la série qui pourtant s’en éloigne par une sexualité plus dérangeante qu’excitante. Le résultat est bizarre, parfois confus, engourdi par une langueur ennuyeuse mais cependant tâché d’une ambiance poisseuse, zébré de fulgurances qui marquent durablement la mémoire et puissamment incarné par une Meiko Kaji au charisme perçant. (09.10.2024) ⍖⍖


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