A place to go. Littéralement, un endroit où aller. Pour y vivre et, peut-être, y trouver le bonheur, en opposition à celui que l’on quitte. Dans ce film de Basil Dearden, c’est le quartier londonien de Bethnal Green alors en pleine reconstruction, auquel les membres d’une famille populaire aspire à échapper. C’est surtout le cas du fils, Ricky, qui rêve d’une autre vie, ailleurs, que celle barrée par ces immeubles sinistres. Le père, Jim, vient de perdre son emploi de docker. Il est contraint de s’humilier à jouer les Houdini de foire dans les rues mouillées. Quant à la mère, ce n’est finalement qu’à contrecœur qu’elle devra déménager de sa maison certes modeste et identique à des dizaines d’autres mais vernie de tant de souvenirs, pour partir s’installer dans un appartement lui aussi identique à des dizaines d’autres mais impersonnel et sans chaleur. Ricky voit dans le cambriolage de l’usine à cigarettes dans laquelle il travaille, manigancé par le gang de Jack Ellerman, un ancien ami de son père, la chance qu’il attendait pour échapper à ce quartier et à sa condition. De fait, contrairement à la façon dont il est présenté, A Place To Go est moins un film policier que la chronique sociale d’une famille prolétaire dans l’Angleterre du début des années 60 plantée dans un décor en pleine mutation urbaine.
En cela, l’œuvre s’inscrit pleinement dans le renouveau du cinéma britannique de cette époque. Alors en fin de carrière, Basil Dearden n’appartient certes pas à cette nouvelle vague de cinéastes au premier rang desquelles figurent Tony Richardson, Karel Reisz ou Lindsay Anderson mais par leur naturalisme documentaire et leurs thèmes aux résonances sociétales, certains de ses films comme Violent Playground (1958) ou La victime (1961) peuvent s’y rattacher. Entre kitchen sink et polar, c’est tout un univers réaliste et parfois sordide que A Place To Go dépeint, saisissant la vie populeuse d’un faubourg en voie d’effacement, entre intérieurs miteux, pubs, usines et cynodrome. Pourtant, jamais Dearden ne sombre dans le misérabilisme, éclairant son récit d’une pointe d’humour et d’espoir, notamment grâce au charme unique, à la fois espiègle et impulsif, de Rita Tushingham dont la carrière venait juste d’être lancée par Un goût de miel (1961). Autour d’elle, tous les acteurs exhalent cette authenticité propre au cinéma anglais, parmi lesquels se distinguent Bernard Lee (le fameux M dans les James Bond) et Doris Hare en mère pleine de dignité dont le regard suffit à exprimer tous les regrets et la tristesse de son personnage. A Place To Go est un beau film injustement méconnu et oublié, peut-être même un des meilleurs de son réalisateur qui démontre encore une fois sa capacité à figer tout un paysage urbain qu’il engonce dans un noir et blanc naturaliste (dû à Reginald H. Wyer) et balaie par sa science de la profondeur de champ. (11.11.2024) ⍖⍖⍖
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