Alors que Le cauchemar de Dracula (1958) compte parmi les œuvres cultes de la compagnie Hammer, c’est en vérité Dracula, prince des ténèbres, sorti en 1966, qui incitera le studio à usiner du Dracula à un rythme soutenu jusqu’en 1974 et Les 7 vampires d’or avec une réussite de plus en plus contestable par ailleurs. Car étonnamment, en dépit du succès du film de 1958 et contrairement à Frankenstein s’est échappé (1957) qui eut droit à une suite un an plus tard (La revanche de Frankenstein) , la firme anglaise délaissa pendant plusieurs années le personnage imaginé par Bram Stocker, Les maîtresses de Dracula (1960), n’ayant en fait aucun lien avec le célèbre vampire. Cette suite tardive du film originel s’inscrit ainsi dans un double contexte. Durant la première moitié des années 60, la Hammer se diversifie, revisitant d’autres figures du bestiaire cinématographique (la momie, le loup-garou, le Dr. Jekyll, le fantôme de l’opéra) ou désertant carrément l’épouvante gothique (Cash On Demand), mais avec un succès commercial moindre que les premiers Dracula et Frankenstein. C’est pourquoi, poussé par la Warner et la Fox avec lesquels il vient alors de sceller une collaboration, le studio décide de renouer en 1965 avec ce personnage mythique auquel il doit une partie de sa gloire et de son identité. Terence Fisher est logiquement rappelé, de même que le scénariste Jimmy Sangster. Bien qu’il demeure un des films les plus fameux du cycle consacré au comte vampire, Dracula, prince des ténèbres s’avère néanmoins inférieur à son matriciel devancier.
Fisher n’y est pour rien, qui signe encore une fois une mise en scène inventive, particulièrement dans la façon de matérialiser la présence maléfique de Dracula finalement très peu présent à l’écran (nous y reviendrons). Les décors conçus par Bernard Robinson, auquel la Hammer doit beaucoup de son style, sont très réussis et la photographie de Michael Reed (qui remplace Jack Asher) se pare de teintes automnales superbes. Mais l’œuvre manque de force, dû en partie à une musique de James Bernard cette fois-ci moins puissante et à des héros un peu ternes auxquels toutefois des doubleurs chevronnés et reconnaissables entre mille (Dominique Paturel, William Sabatier, Nadine Alari) confèrent dans la version française, une épaisseur bienvenue. Surtout, Peter Cushing en Van Helsing manque cruellement au film. En moine féru d’occultisme, Andrew Keir pallie son absence mais n’est pas suffisamment exploité alors qu’il est le seul protagoniste intéressant du récit. Enfin, Dracula lui-même se réduit à quelques apparitions. Peu enthousiaste à l’idée d’enfiler à nouveau la cape du vampire et mécontent de son salaire sur Frankenstein s’est échappé et Le cauchemar de Dracula, Christopher Lee impose cette fois-ci d’être payé par jour de tournage. Résultat, on ne le voit que très peu à l’écran, ne prononçant aucun mot par surcroît, car insatisfait des dialogues de Sansgster ! Contre toute attente, la rareté de ses apparitions et le fait qu’il n’éructe que quelques borborygmes, rendent Dracula plus inquiétant encore, Fisher devant plus que jamais suggérer sa menace plutôt que la représenter frontalement. Ne boudons pas notre plaisir face à ce film plastiquement superbe que sabrent quelques grandes scènes. Citons la résurrection de Dracula avec le sang de Alan qui s’écoule, Barbara Shelley perforée par un pieu et surtout Dracula avalé par les profondeurs d’un lac gelé. Enfin, il faut noter que Dracula prince des ténèbres marque les adieux de Terence Fisher à ce personnage, puisqu’il laissera la réalisation des films suivants de la série à d’autres techniciens tels que Freddie Francis (Dracula et les femmes), ou Roy Ward Baker (Les cicatrices de Dracula), préférant consacrer les dernières années de sa carrière au baron Frankenstein (Frankenstein créa la femme, Le retour de Frankenstein, Frankenstein et le monstre de l’enfer) dont on peut penser qu’il inspirait davantage… (27.11.2024) ⍖⍖
Commentaires
Enregistrer un commentaire