CinéZone | Sydney Pollack - On achève bien les chevaux (1969)


Dans l’Amérique de la Grande Dépression sont organisés à travers tout le pays des marathons de danse qui jettent en pâture des miséreux qui s’épuisent pendant des semaines pour rafler les primes mises en jeu, le dernier couple encore debout emportant la mise. Ces compétitions inhumaines inspirent à Horace McCoy un beau roman publié en 1935, que Sydney Pollack porte à l’écran entre Un château en enfer (1969) et Jeremiah Johnson (1972). Déjà évoqués par Mervyn LeRoy dans L’affaire se complique (1933) avec James Cagney mais sous un angle humoristique, ces marathons sont illustrés dans On n’achève bien les chevaux d’une manière plus noire et tragique. Le film présente ces hères comme des bêtes de foire, des animaux de cirque chargés de distraire un public avide de spectacle en un voyeurisme malsain. Pollack choisit de circonscrire l’action à l’intérieur du bâtiment qui accueille la mise à mort de ces loqueteux magnifiques de courage, créant une atmosphère étouffante et viciée. Peu à peu, ces hommes et ces femmes se muent en zombies qui se tiennent péniblement debout. Ils ne valent guère mieux qu’un cheval qu’on abat lorsqu’il est blessé, ce que suggèrent le très beau titre du film ainsi que ses première images où galope dans les verts pâturages un équidé que son propriétaire achève au fusil parce qu’il s’est cassé une patte. 


Les scènes de derby, d’une cruelle intensité, qui voient les participants faire le tour de la piste à un pas rapide en une grappe humaine chancelante jusqu’à tomber d’épuisement, symbolisent l’Amérique des années 30, égarée, qui tourne en rond et dont le portrait ainsi brossé se révèle peu reluisant, un pays qui n’hésite pas jeter dans une compétition  macabre de pauvres gens prêts à tout pour quelques dollars, spectacle indécent dans lequel le public qui s’y amasse voit un miroir de sa propre misère. Davantage que Jane Fonda, agaçante comme souvent, ce sont avant tout Gig Young en animateur cynique, Susannah York en comédienne pathétique, Red Buttons, fragile et attachant ou la jeune Bonnie Bedelia qui retiennent l’attention. Œuvre préfiguratrice du Nouvel Hollywood dans sa noirceur désespérée, On achève bien les chevaux compte parmi les films majeurs de Sydney Pollack. (19.03.2024) ⍖⍖⍖


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