Réalisateur très surestimé, Quentin Tarantino a au moins le mérite d’avoir permis la (re)découverte de certaines bobines au nombre desquelles figure Crime à froid dont il s’est fortement inspiré pour son Kill Bill. Quintessence du rape & revenge sordide et sexy tout ensemble, le film suit la trajectoire vengeresse et meurtrière de Madeleine. Violée quand elle était encore une petite fille, elle a conservé de cette agression un mutisme traumatique. Plus tard, elle tombe sous la coupe de Tony, un proxénète qui la rend dépendante à l’héroïne et la prostitue. Après voir mutilé le visage de son premier client, elle est punie par son geôlier qui en retour lui crève un œil. Lorsqu’elle apprend le suicide de ses parents, trompés par les lettres venimeuses que leur adresse Tony en se faisant passer pour elle, la jeune femme décide de se venger. Bandeau sur œil, elle apprend à se battre, à tirer au fusil et à conduire de façon sportive. Une fois prête, elle entame sa quête punitive. Après des débuts placés sous le signe de l’érotisme (Maid In Sweden), Christina Lindberg trouve là son rôle le plus marquant. Toute de noir vêtue, le visage juvénile barré par un bandeau et un fusil à canon sciée à la main, elle s’incruste pour toujours dans l’inconscient du cinéphile. Irradiant une présence taiseuse insoupçonnée, Thriller lui doit évidemment beaucoup.
Mais le travail fourni par Bo Arne Vibenius se révèle tout aussi essentiel. Contre toute attente, le cinéaste opte pour une approche glaciale et un rythme lent qui pourront peut-être décevoir l’amateur de bisseries sanglantes. Bergmanien par son austérité, Crime à froid n’en est pas moins brutal et riche en douilles. Les exécutions filmées au ralenti et les inserts pornographiques (auxquels la comédienne n’a pas participé) qui, loin du caviardage racoleur habituel à l’époque, se justifient totalement et ne déclenchent aucune excitation, contribuent à cette ambiance nauséeuse. Vibenius orchestre une œuvre toute en contraste, entre la beauté de ces paysages nimbés de couleurs automnales et le malsain de cette histoire noyée dans une noirceur crapoteuse, entre le vide causé par l’absence de musique et ces éruptions bruitistes qui font plus que souligner ce climat oppressant, entre la candeur du visage de Madeleine et la violence qu’elle abat sur ses bourreaux, entre l’envoûtement d’une atmosphère lancinante et la froide brutalité de cette implacable vengeance. Emblématique du cinéma d’exploitation des années 70, Crime à froid est un vrai film culte tant par son style que par son pouvoir de fascination. (06.05.2024) ⍖⍖⍖
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