Film noir mais en couleurs (et quelles couleurs, flamboyantes et baroques) et sans beaucoup d‘action, Traquenard évolue en fait à la lisière de plusieurs genres : polar, film de procès, romance et musical. Comme il venait de le faire avec le western dont Johnny Guitare (1954) est un classique des plus singuliers, Nicholas Ray joue brillamment avec les codes du film de gangsters. Teintes chatoyantes donc, ton plutôt cocasse lors des scènes au tribunal, héros physiquement diminué et même un chef de la pègre (Lee J. Cobb, très bon car étonnamment sobre) qui, finalement plus pathétique que cruel, échappe aux stéréotypes, participent d’un dynamitage en règle. Comme souvent, son titre français résume mal une intrigue à laquelle l’original Party Girl correspond évidemment nettement mieux puisqu’au centre de celle-ci gravite une femme, Vicky Gale, danseuse désabusée qui va bouleverser la vie d’un avocat véreux en quête de rédemption.
Le film conte ainsi la rencontre de deux âmes égarées, superbement incarnées par Cyd Charisse qui démontre un talent réel de comédienne en dehors du giron de la comédie musicale qui l’a révélé comme une excellente danseuse (Chantons sous la pluie, Beau fixe sur New York ou Brigadoon) et un Robert Taylor boiteux et vieillissant qui trouve là un de ses plus beaux rôles durant une année d’ailleurs particulièrement riche qui le voit figurer au générique de deux formidables westerns, Libre comme le vent de Robert Parrish et Le trésor du pendu de John Sturges. Traquenard dévoile en outre un érotisme très suggestif, qu’exsudent autant les danses exécutées par une Cyd Charisse toute en sensualité charnelle et lascive que le handicap physique de Robert Taylor, qui peut être vu comme une forme d’impuissance sexuelle. Au rayon de l’interprétation, il convient également de louer John Ireland, sale gueule légendaire, en homme de main de Rico Angelo. Charme d’un vrai couple de cinéma, photographie douce et tamisée, tout concourt à diffuser un lyrisme envoûtant et faire de Traquenard une des œuvres majeures de Nicholas Ray, sans aucun doute même la dernière d’une carrière qui se réduira ensuite à de grosses productions (Le Roi des rois, Les 55 jours de Pékin) qui conviendront mal à sa sensibilité. (14.10.2024) ⍖⍖⍖
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