Robert Parrish - Libre comme le vent (1958)


Malgré une filmographie extrêmement intéressante, Robert Parrish reste un metteur en scène malheureusement très sous-estimé. Sans doute la grande variété des sujets et des genres qu’il a  explorés l’a empêché d’être considéré comme un auteur sérieux, passant du film noir de série B (Dans la gueule du loup) au drame (Une femme extraordinaire, La flamme pourpre, A la française), de l’espionnage parodique (Casino Royale) à la SF (Danger, planète inconnue) jusqu’au néo polar des années 70 (Marseille contrat). Mais, souvent curieux, ses westerns méritent eux aussi le détour.  Quoique moins fameux que L’aventurier du Rio Grande (1959) avec Robert Mitchum, Libre comme le vent illustre que Parrish n’est pas qu’un artisan efficace mais un vrai cinéaste en ce sens qu’il ne se contente pas de mettre en image un scénario de manière fonctionnelle, auquel il imprime au contraire sa marque et sa présence. Sous ses faux airs de série B (format resserré, quelques baraques, une poignée d’acteurs et le classique affrontement entre deux frères que tout oppose comme sujet), Saddle The Wind se révèle en fait un western franchement atypique qui, à bien des égards, annonce déjà l’évolution qui travaillera le genre à partir des années 60. Déjà l’introduction, qui met en scène Charles McGraw, celui par qui le récit va basculer dans la tragédie en une inexorable mécanique, étonne par sa sécheresse brutale. Echappant aux archétypes, les personnages sont tous magnifiquement écrits, à commencer par celui de Joan Blake qui, mélancolique et décidée, n’a rien à voir avec les rôles féminins habituels et auquel Julie London insuffle sa beauté elle aussi atypique. Les scènes qu’elle partage avec Robert Taylor sont percutantes et parmi les plus réussies du film. Dommage qu’elle s’efface dans une seconde partie dominée par le conflit paroxysmique entre Steve et Tony Sinclair. Taylor en grand frère paternaliste et John Cassavetes en cadet rebelle et fiévreux brillent dans leur différence, le premier au jeu sobre et fatigué dans une des années les plus riches de sa carrière (suivront Le trésor du pendu puis Traquenard), le second en jeune chien fou. Le fait que les deux comédiens ne se soient pas entendu, ce qui n’est guère surprenant, a sans aucun doute enrichi leur rivalité à l’écran. 


Intelligemment, le passé des protagonistes n’est esquissé que par petites touches. On devine ainsi que Steve est un tueur repentis, figure de l’homme dur à partir de laquelle Tony se construit, reprochant à son aîné, dont il reproduit les funestes errements d’autrefois, sa lâcheté présumée qui n'est en vérité que de la sagesse. Econome en bagarres et fusillades, Libre comme le vent insiste donc davantage sur la psychologie et les rapports complexes qui unissent les personnages, western sur la transmission et la rédemption. Les rares scènes d’action n’en sont que plus violentes, à l’image des fermiers agressés par Tony et son copain. D’ailleurs, l’introduction dans le récit de Clay Ellison (Royal Dano, idéalement doublé en français par Jacques Dacqmine), chef de cette famille de fermiers, participe elle aussi du caractère singulier de Libre comme le vent, par l’importance qu’il prend soudain et la manière là encore elliptique d’évoquer en quelques mots la guerre de Sécession dans toute son atrocité. L’inévitable et attendu duel entre les deux frères est lui-même saboté par le suicide du plus jeune cependant que son cadre bucolique le vide volontairement de sa tension. Le souci apporté aux décors est à ce titre à souligner, qu’il s’agisse des montagnes du Colorado superbement photographiées dans l’esprit des films d’Anthony Mann ou du village dont les rares baraquements le rendent presque irréel. Ecrit par Rod Sterling, futur auteur de la série La quatrième dimension, Libre comme le vent est un très grand western, mélancolique et d’une belle richesse.  (11.09.2024) ⍖⍖⍖


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