Richard Fleischer n’a jamais caché compter L’énigme du Chicago Express parmi ses meilleurs films. A raison. Réalisé en 1952,The Narrow Margin ferme à la fois la première partie de sa carrière à la RKO et marque l’aboutissement logique de la maturation de son style entamée avec Bodyguard et dont Le pigeon d’argile, L’assassin sans visage, Le Traquenard et Armored Car Robbery seront les jalons successifs. La maîtrise technique de Fleischer est totale. Plus que la beauté plastique qui lui inspire néanmoins la scène superbe où un des deux flics, après que la course de perles d’un collier tombées à ses pieds, a révélé la présence d’un tueur caché dans l’ombre, est abattu dans un escalier qu’enténèbre de façon très expressionniste un noir et blanc tout en contrastes (si cela n’a pas déjà été fait, il faudrait écrire une thèse sur cette obsession des escaliers dans les films noirs), c’est l’utilisation d’un lieu unique et confiné qui permet au cinéaste d’étaler son habileté. Sa caméra (sur l’épaule) ne cesse de sillonner les couloirs du train, tout du long collée au talon de cet inspecteur aux déplacements continus qu’elle ne quitte quasiment jamais. Epousant la cadence rapide et hypnotique du train en marche, Fleischer imprime à son récit un rythme implacable qui n’est stoppé que lorsque la machine s’arrête. Il multiplie en outre les travellings, fixe les visages des divers protagonistes qui peuplent de manière inquiétante les wagons, joue sur la profondeur de champs pour nourrir une ambiance fiévreuse.
D’une grande modernité, son intrigue n’est pas non plus étrangère à cette tension palpable et paroxysmique. Policier bourru entièrement dévoué à son métier, Brown doit escorter la veuve d’un bandit qui doit témoigner contre une organisation criminelle. Durant le voyage ferroviaire entre Chicago et Los Angeles, des tueurs s’emploient à identifier cette femme dont ils ignorent l’apparence, afin de lui voler les informations qu’elle détient et la liquider ensuite. On découvrira au bout du compte que Brown a été trompé, celle qu’il croyait protéger étant en réalité une femme flic infiltrée et la passagère à l’enfant dont il craignait qu’elle soit confondue par les gangsters avec son témoin, finalement la véritable madame Neall ! Ce tour du propriétaire ne serait pas complet sans souligner la qualité de l’interprétation que dominent Marie Windsor en faux témoin et Charles McGraw, second couteau dur à cuire que nous sommes tout heureux de trouver en haut de l’affiche. Modèle du suspense de série B, trapu et sans temps morts, il n’est pas surprenant que Hollywood ait bien plus tard tenté de refaire L’énigme du Chicago Express mais, en dépit de la présence de Gene Hackman, Le seul témoin (1990) de Peter Hyams n’a pas, contrairement à son modèle, marqué les esprits. (01.04.2025) ⍖⍖⍖
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